Exposition 12 oct. 2016 - 29 jan. 2017
Billetterie en ligne

Parcours de l’exposition
Mise en œuvre des guerres secrètes : actions & moyens

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Collecte de l’information et transmission

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Fournir des renseignements indispensables correspond à la plus ancienne des missions des services de renseignement. Par la collecte de faits précis et vérifiés, les services s’efforcent d’aider les décideurs, c’est-à-dire les autorités politiques, à connaître les moyens et les intentions adverses qui restent les deux dimensions de toute menace. Après avoir recherché l’information dite « brute », non évaluée et non exploitée, il faut la traiter, l’analyser et en tirer parti. La recherche peut être « ouverte » lorsqu’elle s’appuie sur une source d’information à l’utilisation libre et licite (presse, radio, livre, conférence…) ou clandestine lorsque l’information est protégée. Pour cela les services ne privilégient pas une méthode exclusive, mais combinent divers modes d’action en fonction de la nature de l’objectif visé. Ils peuvent employer des moyens humains en bénéficiant de la complicité de sources évoluant à proximité, parfois au cœur du dispositif adverse ou d’agents ciblés, recrutés, formés et contrôlés. L’information recherchée est également obtenue par des opérations de filature, de surveillance voire d’intrusion dans un lieu protégé. L’interception des communications, cryptées ou non, est aussi un mode de collecte de l’information. Avec le développement de nouveaux moyens de communication (télégraphiques, radioélectriques, filaires…) l’interception, née au cours de la Première Guerre mondiale, s’est considérablement développée au cours de la Seconde, avant de devenir, avec la Guerre froide, la première source de renseignement des États contemporains.
Émetteur-récepteur type SE 90/40, utilisé pour la mission Carthage
Le 16 octobre 1943, l’Abwehr (service de renseignement allemand) affrète un Focke-Wulf FW 200 Condor qui part de Bordeaux-Mérignac et parachute au Maroc des agents français recrutés pour mener des actions de sabotage en Afrique du Nord. Repérés avant leur départ par un officier du contre-espionnage clandestin français, ils sont arrêtés dès leur arrivée. Jusqu’en mars 1944, l’opérateur radio transmet sous contrôle un savant mélange de vrais et faux renseignements à l’Abwehr.
Seconde Guerre mondiale
Don du Service de documentation extérieure et de contre-espionnage (SDECE)
© musée de l'Armée / Pascal Segrette
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Les opérations clandestines et subversives

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Les opérations clandestines constituent l’une des composantes majeures des actions des services secrets depuis la Seconde Guerre mondiale. Elles sont mises en œuvre, soit en temps de guerre, lors de l’affrontement entre deux armées sur les arrières du champ de bataille, soit en temps de paix, dans le cadre de relations conflictuelles entre États, contre des organisations internationales et des individus hostiles, quand l’action diplomatique est inefficace et l’intervention militaire classique impossible.
Dans le premier cas, elles contribuent au déséquilibre et à la dislocation des armées ennemies, par des méthodes non-conventionnelles mises en œuvre sur leurs arrières, afin de renverser le rapport de force, là où va s’engager l’effort principal. Dans le second cas, elles agissent dans l’illégalité pour contrer les positions d’un pays hostile, sans que les gouvernements à la manœuvre soient identifiés. Dans les deux cas, ces actions sont le fait d’hommes et de femmes spécialement formés et entraînés à des savoir-faire spécifiques et complexes, liés au monde de la clandestinité, indispensables au secret de l’opération et à la sécurité des agents.
Seuls les services secrets sont habilités à mener de telles opérations et en mesure de le faire. Ils interviennent auprès des mouvements de guérilla ou de résistance en apportant un soutien militaire et une assistance technique. Par ailleurs, ils procèdent, souvent par l’intermédiaire de tiers, à des actions de sabotage d’installations civiles ou militaires, ainsi qu’à l’élimination physique de dirigeants ou de leaders d’opinion.
Tenue complète de plongée équipée de bouteilles d’oxygène à récupération de CO2, du Service Action du SDECE
Lorsqu’ils quittent la base navale d’Arzew en Algérie en 1953, les nageurs de combat du Service Action du SDECE s’installent à Toulon puis à Collioure, avant de rejoindre en 1960 la base d’Aspretto près d’Ajaccio, où est créé le Centre d’instruction des nageurs de combat (CINC). Pendant plus de vingt ans, ils mènent des opérations de reconnaissance de ports et d’installations militaires de pays hostiles et participent à des opérations clandestines dans le monde entier. Après l’échec de l’opération du Rainbow Warrior, le CINC quitte la Corse et s’installe en Bretagne.
Guerre froide
DGSE – Ministère de la Défense

La guerre psychologique


Le concept de guerre psychologique apparaît au début du XXème siècle avec l’émergence de la guerre totale pendant le premier conflit mondial : la distinction entre les combattants et les non combattants est de plus en plus difficile et la population civile devient un enjeu majeur des conflits. La guerre psychologique, qui use des techniques de la manipulation, de la propagande et de la désinformation, pour agir sur les esprits, vise à exalter le moral des troupes et plus encore celui de la population civile, tout en brisant celui de l’adversaire.
Durant la Seconde Guerre mondiale, les actions psychologiques conduites par les Britanniques et les Américains, ont pour objectif principal de tromper les chefs militaires allemands sur les véritables intentions des Alliés et sur les lieux des débarquements en Italie et en France, mais aussi de susciter dans la population allemande, défaitisme, lassitude de la guerre et rupture de la confiance en ses dirigeants. Pendant la Guerre froide, lors de l’affrontement entre les Américains et les Soviétiques, la guerre psychologique joue un rôle majeur et permanent. Chacun des deux camps cherche à défendre et à propager son idéologie et ses valeurs au détriment de l’autre. Le KGB utilise une multitude d’agents d’influence pour relayer les idées communistes dans les milieux autorisés et manipule, en Europe de l’Ouest, de vastes mouvements populaires en faveur de la paix et hostiles à l’arme atomique. Quant à la CIA, elle finance des organisations anti-communistes à l’Ouest et diffuse des émissions de propagande vers l’Est, pour contrer l’influence et l’expansion du communisme.
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De l’ombre à la lumiere, le secret dévoilé

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Les opérations de guerre secrète doivent, par nature, échapper à la connaissance du public. Parfois, cependant, du fait du hasard et/ou d’erreurs commises dans la conception ou l’exécution de ces entreprises, leur échec est divulgué et prend une tournure spectaculaire, retentissante. Les médias s’en emparent, la classe politique en débat, l’opinion publique s’en émeut, au moins jusqu’à un certain point. Parmi plusieurs cas fameux, d’origines et de portées fort différentes, des scandales ont été causés par les révélations, immédiates ou différées, sur les « Cinq de Cambridge » pour les Britanniques, sur l’affaire de « la baie des Cochons » pour les Américains, sur celle du « Rainbow Warrior » pour les Français… Même en Union Soviétique, où l’information est contrôlée par un régime totalitaire, la paranoïa stalinienne de l’espionnage et de la trahison créent des scandales à répétition, amplement répercutés par les médias officiels.
Par contraste, les opérations réussies demeurent dans l’ombre. Il faut attendre la retraite ou la disparition des acteurs, la publication éventuelle de leurs souvenirs, les recherches croisées des historiens facilitées par l’ouverture normale (conforme aux délais légaux de déclassification) ou exceptionnelle (après l’effondrement des appareils d’État ou des régimes concernés) des archives, pour qu’une vision plus complète, plus nuancée et plus équilibrée se fasse jour. Alors seulement des citoyens ordinaires peuvent avoir connaissance, par exemple, des succès britannique d’« Ultra », américain de « Venona », français de « Farewell » ou soviétique de l’appel de Stockholm… Après l’ombre vient la lumière.
Lettre falsifiée de l’attaché militaire italien Panizzardi à l’attaché militaire allemand von Schwartzkoppen, dite « Faux Henry »
Vincennes, Service historique de la Défense
© Vincennes, Service historique de la Défense
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Les affaires sorties dans les médias

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L’exposition ne fait pas de révélations sur des affaires ou des opérations. Elle n’en a ni la vocation ni la possibilité. En revanche, elle présente les différents moyens par lesquels ces dernières sont révélées au grand public : les médias et des années plus tard, dans les mémoires des intéressés.

L’opération Gold

Le 25 avril 1956, la Une du quotidien de la RDA, Neues Deutschland, révèle l’opération Gold. Cette opération, menée par la CIA et le MI6 pour espionner les communications des autorités soviétiques, a consisté dans la mise en place d’un tunnel creusé sous leur zone d’occupation à Berlin. En réalité, l’opération avait été révélée aux Soviétiques dès 1954 par l’espion britannique auprès de l’URSS, George Blake. Ces derniers avaient décidé de ne pas agir, afin d’utiliser le tunnel pour transmettre des messages visant à désinformer la CIA et le MI6.

Les Cinq de Cambridge

Le 18 novembre 1979, la Une de l’hebdomadaire britannique The Observer annonce que le Premier ministre Margaret Thatcher a révélé l’identité du « quatrième de Cambridge » à la Chambre des Communes. En fait, les services secrets britanniques avaient identifié Anthony Blunt, conseiller artistique de la Reine, dès 1964, mais n’avaient pas souhaité rendre l’affaire publique.

L’Affaire Farewell

Le 6 avril 1983, la Une du quotidien français Le Monde annonce l’expulsion de 47 diplomates soviétiques du territoire français. Cette expulsion fait suite aux révélations de Vladimir Vetrov, alias Farewell, un officier du KGB. Désabusé par le manque de reconnaissance et par un régime auquel il ne croit plus, il décide de prendre contact avec la DST en 1980. Vetrov livre à la DST et à la CIA 3 000 documents sur microfilms, révélant les faiblesses de l’URSS ainsi que la liste des agents soviétiques infiltrés dans le monde. Identifié par le KGB, il est exécuté le 23 janvier 1985.
Tais-toi (en français et en arabe), affiche française de propagande et de mise en garde contre l’espionnage civil. Lithographie sur papier cartonné. Seconde Guerre mondiale, Anonyme
Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC)
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Portraits d’espions

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James Jesus Angleton (1917-1987)


De père américain et de mère mexicaine, Angleton, diplômé en droit à Harvard, intègre l’armée en 1943. Recruté par l’OSS nouvellement créé, il est affecté à sa branche X-2, chargée du contre-espionnage et inspirée du modèle britannique, afin d’assurer, en liaison étroite avec le SOE, la protection de l’opération de déchiffrement Ultra. Envoyé à Rome dès 1944 pour diriger l’unité italienne de X-2, il reste en Italie après 1945 et dès la fondation de la CIA en 1947, il est chargé des opérations locales : traque des agents nazis et fascistes, soutien de l’agence aux candidats démocrates-chrétiens contre les communistes aux élections générales de 1948 ou préparation du réseau de stay-behind italien, Gladio. En 1954, il est nommé premier directeur du contre-espionnage de la CIA et travaille notamment avec les services israéliens. Le transfuge soviétique Anatoli Golitsyne l’ayant persuadé que la CIA est largement infiltrée par le KGB, Angleton se montre d’une suspicion virant à la paranoïa envers ses propres collègues. Il est relevé de la plupart de ses fonctions en 1974 par le nouveau directeur de la CIA, William Colby.

Lavrenti Pavlovitch Beria (1899-1953)


Après des études techniques, Beria, originaire de Mingrélie en Géorgie, rejoint les bolcheviks, vers 1919. Il mène carrière en Géorgie, puis en Transcaucasie, dans la police politique. Remarqué par Staline en 1931-1932, il remplace Ejov à la tête du NKVD en 1938 ; sous son autorité la terreur de masse subsiste, mais plus sélective. Il fait assassiner Trotski exilé en août 1940. À partir de septembre 1945, il coordonne l’espionnage atomique soviétique, avec succès, mais perd la direction du NKVD en décembre 1945. Menacé par Staline en 1951-1953, il devient, à la mort de celui-ci, le 5 mars 1953, le numéro deux de l’URSS. Ses pouvoirs et son activisme inquiètent ses camarades : arrêté le 26 juin, il est exécuté, le 23 décembre 1953 semble-t-il.

Georges-Jean Painvin (1886-1980)


Polytechnicien, Georges Painvin est professeur de paléontologie à l’École des mines de Paris en 1914. Mobilisé comme officier d’ordonnance du général Maunoury, il aide un officier du Chiffre à décrypter des télégrammes allemands. Affecté dès 1915 au « Cabinet noir », il parvient à casser tous les codes allemands successifs. Son grand fait d’armes survient le 1er juin 1918, en pleine offensive allemande. Après des semaines de labeur, Painvin a cassé le code ADFGX, mais un télégramme est intercepté avec un nouveau code : ADFGVX. Il lui faut deux jours et une nuit de travail ininterrompu pour en venir à bout. Le déchiffrement de ce « radiogramme de la Victoire » indique le lieu et la date d’un nouvel et dangereux assaut ennemi, qui peut alors être repoussé. Ce n’est qu’un demi-siècle plus tard que son rôle, couvert jusqu’alors par le secret, est rendu public.

John-Henry Bevan (1894-1978)


Issu de la haute bourgeoisie britannique, ancien élève d’Eton puis étudiant à Oxford, John Bevan s’initie à la désinformation à la fin de la Première Guerre mondiale, alors qu’officier d’état-major il analyse le renseignement avec une acuité remarquée par Lloyd George et Winston Churchill. Rappelé en 1939 par le gouvernement, il est affecté au MI5 puis devient le responsable de la London Controlling Section (LCS) en juin 194 qui a pour mission de concevoir des opérations de désinformation et de déstabilisation, que les autres services coordonnent et exécutent ensuite. Son plus grand succès est l’opération Bodyguard, conçue dans la perspective du débarquement pour désinformer les autorités allemandes sur les mouvements alliés de 1944. Ses fonctions et l’ampleur de son rôle pendant la guerre ne sont révélées que dans les années 1970, avec l’ouverture des archives et la publication de l’ouvrage The Double- Cross System in the War of 1939 to 1945 de John C. Masterman en 1972.

Jeanne Bohec (1919-2010)


Le 18 juin 1940, Jeanne Bohec, jeune aide-chimiste à la poudrerie de Brest, quitte la France et gagne l’Angleterre. À Londres, elle s’engage dans les volontaires françaises des Forces françaises libres. Employée d’abord en tant que secrétaire, elle travaille, par la suite, comme chimiste, dans un laboratoire de fabrication d’explosifs où elle côtoie des agents du BCRA. Elle suit, à partir de septembre 1943, une formation d’instructeur de sabotage. Après avoir été parachutée près d’Alençon, au début du mois de mars 1944, elle enseigne, auprès des FFI, les techniques de sabotage et la manière de préparer des explosifs et des bombes incendiaires. Au lendemain du débarquement, elle rejoint le maquis de Saint-Marcel puis gagne la Grande-Bretagne à la fin du mois d’août 1944.