L'ÉCHO DU DÔME
OCTOBRE 2014/JANVIER 2015 #31

Musée de l'armée - Invalides

Les multimédias, parcours d'artistes

Disséminés dans l’exposition, les multimédias parcours d’artistes permettent, à partir d’oeuvres numérisées, de suivre 16 artistesmobilisés ou en mission, livrant leurs visions du front au fur et à mesure de leur itinéraire et de leur changement de statuts. Peintre de métier, Auguste Krier conçoit la pratique du dessin comme un exercice tandis que le dessinateur amateur Henri Camus s’en sert comme d’un outil pour témoigner, tout comme Georges Victor- Hugo, engagé volontaire, qui utilise dans ses croquis les matériaux trouvés dans la tranchée. François Flameng, bénéficie du soutien logistique de l’armée qui lui permet de donner une vision extensive, bien que distanciée, des combats. Les britanniques John et Paul Nash rejoignent une unité des Artists Rifles, recréant sur le front une forme de sociabilité artistique à l’instar de l’italien Anselmo Bucci au sein du Bataillon lombard des volontaires cyclistes. Invité par le gouvernement italien, le reporter de guerre Georges Scott représente le front du Trentin et de Vénétie à des fins de diplomatie culturelle tout comme Charles Duvent documentant les ruines belges, françaises et italiennes à destination de l’opinion américaine. L’allemand Karl Lotze en France et le français Paul Jouve en Macédoine pratiquent à la fois photographie et dessin, passant de la posture du combattant à celle d’artiste en mission. Tout comme Heinrich Vogeler dans les Carpathes, James McBey en Palestine ou Albert Le Play en Roumanie, ils sont étrangers aux territoires parcourus et représentés. Les dessins de Jean Galtier- Boissière, fondateur du journal de tranchée Le Crapouillot, reflètent la rupture avec l’arrière et, avec celle-ci, l’effondrement des représentations de la guerre antérieures au conflit. Les parcours d’artistes sont confrontés à des séquences musicales dues à des musiciens mobilisés français (Ravel, Debussy, Boulnois, Magnard), belge (Devaere), allemands (Jürgens, Stephan), britanniques (Stanford, Farrar, Bridge, Williams), australien (Kelly), autrichien (Schulhof). Peintres, dessinateurs, photographes, musiciens partagent une communauté de destin, observateurs engagés, mais également acteurs exposés à la blessure, à la maladie ou à la mort, tiraillés entre la dénonciationde la guerre et le respect dû à ses sacrifiés. Pour les combattants, la pratique artistique apparaît comme un moyen de se ressaisir de leur destin, de préserver une part de leur liberté et de leur individualité.

Sylvie Le Ray-Burimi, conservateur responsable du département des peintures, dessins, estampes et photographies, commissaire de l'exposition

Georges Scott (1873-1943) Blessés descendus par le téléphérique, 1917 Aquarelle, graphite et gouache  sur papier vélin.