L’exposition France-Allemagne(s) 1870-1871. La guerre, la Commune, les mémoires

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Vue de l’exposition France-Allemagne(s) 1870-1871 © Paris - Musée de l’Armée, Dist. RMN-Grand Palais / Pascal Segrette
 

L’exposition a fermé ses portes le 30 juillet dernier après avoir reçu près de 60 000 visiteurs. Conçue comme un projet franco-allemand, avec l’aide d’un comité scientifique présidé par le professeur Jean-François Chanet, recteur de la région académique Bourgogne-Franche-Comté, l’exposition visait à mettre en perspective le conflit à l’échelle de l’Europe, tout en donnant à comprendre ses racines et répercussions, des guerres de libération allemandes de 1813-1815 à la fin de la Première Guerre mondiale. Près de 40 institutions françaises et allemandes ont contribué par leurs prêts à l’élaboration de son parcours, mis en scène par Marc Vallet et Yan Stive. Le Dr. Ansgar Reiss dirige depuis 2010 le musée bavarois de l’Armée - Bayerisches Armeemuseum - à Ingolstadt, fondé en 1879 par le roi Louis II de Bavière. Il revient pour l’Écho du Dôme sur l’exposition : 

Que signifie aujourd’hui le conflit franco-allemand de 1870- 1871 pour le public allemand ? Peut-on parler d’un conflit « sous-estimé » ainsi que l’a qualifié Ralph Bohlman dans l’article (Frankfurter Allgemeine Zeitung, 6 juin 2017) qu’il a consacré à l’exposition ?  

La guerre de 1870-1871 est, de nos jours, presque complètement oubliée en Allemagne. Jusqu’au nombre des victimes qui n’est plus connu de quiconque. La mémoire de cette guerre a été recouverte par celle des deux conflits mondiaux du XXe siècle tandis que son résultat, l’unification de l’Allemagne sous hégémonie prussienne, est perçu comme allant de soi. 

Peut-on parler de points de vue régionaux sur ce conflit et sur le processus d’unification allemande ? 

Ces divergences ne sont pas formulées. Personne ne se demande si l’histoire aurait pu se dérouler autrement. Cette absence d’interrogation peut sembler d’autant plus étonnante qu’aujourd’hui encore, les régions du sud de l’Allemagne manifestent un fort particularisme au regard de celles du nord. Mais ce particularisme n’est pas mis en relation avec l’histoire du XIXe siècle. Cela tient aussi au fait que l’opposition entre catholicisme et protestantisme ne joue désormais plus aucun rôle. 

La proclamation de la République de Weimar et l’irruption de la guerre civile dans l’Allemagne de 1918-1919 peuventelles être mises en parallèle avec la naissance de la Troisième République et l’éclatement de la Commune dans la France de 1870-1871 ? 

Cette question est passionnante. Malheureusement, l’histoire de la Commune de Paris est en Allemagne quasi inconnue. Au demeurant, les théoriciens du courant socialiste ont toujours corrélé défaite militaire et révolution. Cette corrélation est manifeste dans l’Allemagne de 1918-1919. Les puissances conservatrices, empires et monarchies, avaient perdu leur légitimité. La tragédie allemande a résidé dans l’exacerbation de formes révolutionnaires radicales, bien qu’elles n’aient eu qu’une assise limitée dans l’opinion, face auxquelles la droite la plus extrême a pu, en réaction, s’affirmer. 

Le musée bavarois de l’Armée a-t-il des projets en lien avec les commémorations de la fin du premier conflit mondial en 1918-1919 ou de l’unification allemande en 1871 ? 

Nous ouvrirons, en novembre 2018, une exposition temporaire sur l’issue de la guerre, en Bavière, en 1918-1919. Le musée bavarois de l’Armée conserve en effet quelques oeuvres en lien avec cette période, notamment avec les corps francs. Figurent également dans nos collections la sculpture originale centrale du monument aux morts de la Première Guerre mondiale [érigé en 1924 dans le Hofgarten] de Münich. 

La guerre de 1870-1871 sera quant à elle évoquée à travers le parcours permanent du musée, en cours de rénovation. La section consacrée à la séquence 1815-1914 devrait être inaugurée en 2020-2021. Cependant, la constitution de l’Empire allemand sous Otto von Bismarck ne sera pas déterminante, la place de la Bavière dans l’Europe devant constituer le fil conducteur des nouvelles salles. 

Propos recueillis par Sylvie Le Ray-Burimi, conservateur en chef du patrimoine