Exposition Napoléon à Sainte-Hélène. La conquête de la mémoire

Napoléon Ier à Sainte-HélèneOscar Rex
© Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau / DR

Dossier réalisé par Émilie Robbe et Léa Charliquart, commissariat de l’exposition.

Après le succès de l’exposition Napoléon et l’Europe qui a attiré plus de 70 000 visiteurs en 2013, le musée s’attache à la mise en lumière d’un autre aspect de l’aventure impériale, celui de l’exil et  de la mort de l’Empereur déchu. En avril prochain, le musée de l’Armée ouvrira l’exposition Napoléon à Sainte-Hélène. La conquête de la mémoire qui doit sa genèse à des circonstances tout à fait  extraordinaires.

En 2010, sous l’égide de la Fondation Napoléon, une souscription internationale a permis de dégager les fonds nécessaires à la restauration d’une partie de Longwood House, dernière demeure de l’Empereur. Parallèlement, le ministère des Affaires étrangères et du Développement international et le musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau (ministère de la Culture), se sont investis pour en restaurer le mobilier, dont ils sont propriétaires. C’est autour de la présentation unique de ces meubles que se construit l’exposition, avec l’ambition d’explorer l’ambiguïté insoluble d’un empereur déchu, entre vestiges impériaux et simplicité bourgeoise. C’est dans ces conditions matérielles que Napoléon se lance à Sainte-Hélène dans sa dernière bataille, celle de la conquête de la mémoire : écrivant contre l’oubli, il fait mentir l’adage qui veut que l’histoire soit écrite par les seuls vainqueurs.

De nombreux partenaires

Pour cette exposition exceptionnelle, le musée de l’Armée peut s’appuyer sur la contribution de la Fondation Napoléon, du musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau et du ministère  des Affaires étrangères et du Développement international, qui ont apporté leur concours au projet. L’exposition a également été l’occasion de nouer des partenariats avec des institutions  prestigieuses, nationales, telles que la BnF, le musée du Louvre ou les Archives nationales et internationales, avec notamment le Royal Museums Greenwich - National Maritime Museum, le Musée Napoléon d’Arenenberg ou encore le Lehmbruckmuseum de Duisbourg.

Plan of the Island and forts of Saint Helena,
1815Read, R. P. & Kirkwood, R.
© musée de l’Armée / Pascal Segrette


 

Croquis de la main de Vincen Cornu, scénographe de l’exposition. Esquisse du salon © DR

Intérieur, Villain, d’après Marchand. © Paris, musée de l’Armée

Croquis de la main de Vincen Cornu, scénographe de l’exposition. Esquisse du salon © DR

« Si c’était une pièce de théâtre, ce serait du Beckett, avec la mort – ou la mer – comme horizon »

C’est ainsi que Vincen Cornu présente son parti pris scénographique, qui a immédiatement et unanimement séduit les commissaires et organisateurs de l’exposition. Le parcours débute avec la  découverte de la dernière demeure de l’Empereur : d’un côté, l’enfilade des pièces de la maison de Longwood ; de l’autre, les espaces extérieurs des jardins et la mer, éternel horizon de Sainte- Hélène. L’ambition du projet scénographique n’est en aucun cas la restitution à l’identique des espaces, que proposent par ailleurs des dispositifs multimédias en 3D.

Le principe retenu est celui de l’évocation : on découvre ainsi les vestiges de l’étiquette impériale dans la salle à manger ; le cabinet de travail donne l’occasion d’observer le processus d’écriture de  a mémoire ; tandis que la présentation de la baignoire, qui permettait à Napoléon de soulager ses douleurs, rappelle la maladie.

Le point d’orgue de l’exposition, la mort de Napoléon, occupe une place centrale dans la deuxième partie du parcours où les dimensions de la salle permettent de restituer l’espace du salon ainsi  que la disposition du mobilier en 1821. Le traitement de l’espace et le choix des couleurs, tout en sobriété, permettent d’éviter l’écueil d’un réalisme trop cru, tout en offrant une pause, un souffle, un moment de méditation.

L’exposition s’ouvre enfin sur la légende, qui commence à s’écrire dès avant la mort de l’Empereur, à Sainte-Hélène, pour s’achever sur le développement de l’imagerie hélénienne, qui présente  Napoléon martyr sur son rocher, déchu mais victorieux, remportant son combat pour la postérité.

Sainte-Hélène aux Invalides

Le corps de Napoléon a reposé 19 ans en terre hélénienne, loin des « bords de la Seine » et de ce « peuple français [qu’il] a tant aimé ». Aux Invalides où il se trouve depuis 1840, la présence  majestueuse du tombeau n’a pas effacé Sainte-Hélène. Il suffit pour s’en convaincre de suivre un bref parcours fléché pour l’occasion.

Sous le Dôme, dans le corridor à l’entrée de la crypte conçue par Louis-Tullius Visconti, un bas-relief d’Auguste-Alexandre Dumont dessine la silhouette de la tombe du Val des Géraniums.

Quant aux bas-reliefs de Charles Simart, autour du tombeau, ils donnent parfois la parole à l’Empereur défunt en citant des paroles rapportées par Las Cases dans le Mémorial de Sainte-Hélène.  C’est le cas de ceux qui représentent la Création du Code civil et la Protection au Commerce et à l’industrie.

Les dalles de la tombe de Napoléon à Sainte-Hélène ont été rapportées en France avec le corps de l’Empereur en 1840. Elles restèrent à Cherbourg jusqu’en 1909, date à laquelle elles furent  remises au musée de l’Armée. Il s’agit de la dalle qui fermait le caveau, au fond de la fosse, et des trois dalles anonymes qui la marquaient au niveau du sol. Longtemps placées à l’intérieur de l’église des soldats, elles ont été transférées en 1978 dans le jardin attenant à l’église, où les visiteurs peuvent les apercevoir à travers les vitres du corridor de Nîmes.

Venez visiter l’exposition et explorer le parcours napoléonien au musée, à partir du 6 avril 2016. Exposition Napoléon à Sainte-Hélène. La conquête de la mémoire, du 6 avril au 24 juillet 2016.

Le globe terrestre représente notamment les routes découvertes par les navigateurs. Le globe céleste propose lui, une carte du ciel, composée des étoiles et des nébuleuses répertoriées par les astronomes de l’époque. © MAEDI / davidbordes.com

L’escadre française à Sainte-Hélène, Durand-Brager © musée de l’Armée, Dist. RMN-GP / Giovanni Dagli Ort

Thierry Lentz
Directeur de la Fondation Napoléon

Grâce à une souscription publique, le projet de restauration d’une partie de Longwood House et de son mobilier a pu voir le jour : en quoi cet engagement était-il important pour la Fondation ?

Dans le cadre de notre mission de préservation du patrimoine napoléonien, la réflexion que nous avons menée, de concert avec le ministère des Affaires étrangères, nous a amenés à programmer  une grande restauration de l’aile des généraux de Longwood. Le ministère a pu dégager 700 000 euros et le président de la Fondation, M. Victor-André Masséna, a proposé que la Fondation  finance les 700 000 euros manquants, par le biais d’une souscription internationale. Les résultats ont dépassé nos attentes puisque 1 700 donateurs ont permis de réunir 1,5 million d’euros. Une  restauration plus importante a donc été entreprise portant sur le salon où est mort l’Empereur, la salle de bain, les anciennes écuries et la toiture des communs. Le tout, sous le contrôle du  directeur des Domaines et d’un architecte en chef des Monuments historiques, a été réalisé par un entrepreneur local, dans le respect du délai et des devis.

Vous y avez ajouté la restauration du mobilier…

Les Domaines de Sainte-Hélène conservent presque la totalité du mobilier authentique de l’exil. Ce mobilier n’avait pas été restauré depuis… 200 ans. Nous avons transporté en France les 32  pièces les plus importantes, tandis que 78 autres seront entretenues à Sainte-Hélène par un spécialiste spécialement formé grâce à une subvention du Gouvernement de Sainte-Hélène. Les  meubles transférés en France ont été restaurés, sous le contrôle de conservateurs du patrimoine, dans des ateliers français. Les plus emblématiques sont présentés dans l’exposition du musée  de l’Armée, avant de reprendre leur place à Longwood. L’exposition sera donc une occasion unique de les voir à Paris.

Michel Dancoisne-Martineau
Conservateur des Domaines nationaux de Sainte-Hélène et commissaire de l’exposition

Sainte-Hélène est située à plus de 7200 km de Paris, quelles sont les contraintes logistiques et les rouages d’une telle opération ?

Les contraintes logistiques sont liées à l’isolement géographique, mais surtout à la très faible liaison de Sainte-Hélène au reste du monde. Il n’existe qu’une liaison maritime, mensuelle et très  convoitée, entre Sainte-Hélène et le continent. Pour faire le chemin de Longwood à Paris, les oeuvres ont d’abord été chargées dans un conteneur qui a pris le bateau en direction du Cap, puis  transbordées pour rejoindre l’Angleterre avant d’être transportées jusqu’à Paris en camion.

Le statut administratif des Domaines nationaux de Sainte-Hélène est encore à ce jour très particulier, à qui appartiennent les oeuvres envoyées à Paris ?

La provenance des oeuvres est double : d’une part celles qui sont enregistrées dans les inventaires du ministère des Affaires étrangères et du développement international, qui correspondent généralement à des dons, institutionnels ou privés ; d’autre part, les dépôts de pièces appartenant à des collections de musées napoléoniens de France, regroupés sous un dépôt du musée national des châteaux de la Malmaison et de Bois-Préau.

Une fois les meubles restaurés et de retour à Longwood, quels sont les projets des domaines français de Sainte-Hélène ?

Le futur projet scientifique et culturel devrait permettre d’ouvrir les domaines nationaux de Sainte-Hélène au public, selon les mêmes modalités que n’importe quel musée, grâce un partenariat privé- public. Sainte-Hélène connaît un moment unique dans son histoire : le bicentenaire, que célèbre l’exposition, s’accompagne d’une restauration complète des lieux et de l’ouverture d’un aéroport, en mai 2016.

En écho à l’exposition

Prolongez l’immersion dans l’épopée napoléonienne, avec la programmation associée à l’exposition.

Colloque

Rencontres Waterloo

En prélude au cycle L’Aigle dans l’île, le musée organisera en partenariat avec le Comité de liaison des associations dixneuvièmistes, le soutien de la Société des études romantiques et  dixneuvièmistes et le Centre de Recherche en Histoire du XIXe siècle, la première journée des Rencontres Waterloo.

le 24 mars 2016

Auditorium Austerlitz
Réservation obligatoire
histoire@musee-armee.fr

Conférences

L’aigle dans l’île

En écho à l’exposition, le musée, en partenariat avec l’Université permanente de la Ville de Paris, propose un cycle de 4 conférences intitulé L’aigle dans l’île. Il s’agit de comprendre comment les  activités de Napoléon et de son entourage, à Sainte-Hélène, entrent en résonance avec le reste du monde, au point de laisser des traces significatives, dont certaines éveillent encore aujourd’hui notre intérêt, près de deux siècles après.

du 19 au 30 mai 2016

Auditorium Austerlitz de 13h45 à 15h
Réservation obligatoire
histoire@musee-armee.fr

Musique

La légende napoléonienne en musique

Un cycle de neuf concerts évoquera la légende napoléonienne et l’esprit d’une époque musicale féconde, avec les grands solistes : Karine Deshayes, Romain Leleu, François-René Duchâble, François Salque…

du 7 avril au 20 juin 2016

Réservation
saisonmusicale@muse-armee.fr

Cinéma

Un aigle en cage

Depuis l’aube du film muet, l’île de Sainte-Hélène et son prisonnier, Napoléon, ont été portés à l’écran tant par le cinéma allemand, américain, italien que français. Dans une filmographie qui  n’excède pas sur ce sujet une quinzaine de films et téléfilms, ce cycle cinématographique proposera de redécouvrir deux d’entre eux : Monsieur N d’Antoine de Caunes (2003) et Le drame de  Sainte-Hélène de Guy Lessertisseur (1961).

les 3 et 10 juin 2016

Auditorium Austerlitz
Entrée libre
Réservation en ligne ou par téléphone : 0810 11 33 99

Jeune public

Visite ludique de l’exposition

À travers les meubles, vêtements, peintures, caricatures et divers documents présentés dans l’exposition, une conférencière vous dévoile la vie et la légende de Napoléon lors de son ultime exil.  Quelques épreuves ludiques vous attendent au cours de ce parcours...
Cette visite guidée s’adresse aux familles ainsi qu’aux scolaires. Renseignez-vous pour organiser une visite de l’exposition, pour fêter un anniversaire…

Calendrier des visites à retrouver en ligne

Informations et réservation
jeunes@muse-armee.fr

L’avenir des statues, René Magritte
© Duisbourg, Lehmbruckmuseum

Horaires & programmes détaillés sur musee-armee.fr