Édouard Élias, photographe

Édouard Élias, Après le petit-déjeuner, camp du 2e REI à Bambari, 20 août 2014. Inv. 2015.22
© Édouard Élias / Collections musée de l’Armée, Paris

Édouard Élias, Après une patrouille au camp du 2e REI à Bambari, 19 août 2014. Inv. 2015.22
© Édouard Élias / Collections musée de l’Armée, Paris

Édouard Élias, Sergent du 2e REI en observation dans un véhicule de l’avant blindé sur la route entre Bambari et Bria, 21 août 2014. Inv. 2015.22
© Édouard Élias / Collections musée de l’Armée, Paris

Portrait d’Édouard Élias © DR

Le musée de l’Armée vient d’acquérir 31 photographies d’Édouard Élias, réalisées auprès du 2e Régiment étranger d’infanterie en République Centrafricaine pendant l’opération Sangaris.

L’Écho du Dôme donne la parole au jeune photographe qui s’est récemment fait connaître du grand public par la force de ses reportages.

Édouard Élias, vous êtes parti en République Centrafricaine (RCA) pour suivre l’opération Sangaris auprès du 2e Régiment étranger d’infanterie (REI). Pourquoi un tel choix ?

Je souhaitais couvrir le conflit en RCA car tous les conflits en cours, comme l’Ukraine par exemple, avaient été couverts et personne ne s’était intéressé à la mission de l’armée française dans le pays. En réalité je n’ai pas véritablement choisi la Légion étrangère. J’avais contacté l’État-major en demandant à pouvoir partir dans une des positions les plus avancées du dispositif Sangaris. C’est ainsi que je me suis retrouvé à Bambari auprès du 2e REI.

Les photographies que vous avez réalisées insistent sur la dimension humaine et personnelle du combattant. Ce choix s’est-il effectué avant le départ ou sur le motif ?

En partant auprès de l’armée française, je n’avais pas la prétention d’expliquer le conflit de façon exhaustive. Je savais avant de partir que je voulais travailler sur ces conditions difficiles pour les soldats. Je recherchais ces moments d’abandon ou de fatigue ; toutefois, avant de photographier, il a fallu se faire accepter. En tant que jeune civil, il a fallu que je leur montre que je ne serais pas un poids pour eux. C’est en créant des liens que j’ai pu entrer dans leur intimité et je n’étais plus un inconnu quand je les ai photographiés. Avant cette expérience, j’ai rencontré des anciens d’Algérie ou d’Indochine qui racontaient la chaleur, l’humidité, la peur… Je ne retrouve pas ça dans des images officielles d’aujourd’hui. Je voulais plonger dans cette réalité et montrer les réelles conditions du terrain tout en respectant les hommes.

Vos images sont soigneusement composées. Croyez-vous à l’esthétisme dans le photojournalisme en général et la photographie de conflit en particulier ?

Je suis un partisan de l’esthétisme dans la photographie, sans montage ni modification bien sûr. Je crois en effet qu’une image qui ne répond à aucun critère esthétique perd de sa valeur une fois l’événement passé. Sortie de son contexte initial, je crois qu’une image construite aussi sur des bases esthétiques suscite une émotion qui lui confère un caractère intemporel et général. Elle renvoie à l’homme face à la guerre dans une forme de continuité des combattants, qu’ils soient en RCA ou en Syrie. Se référer à des archétypes renvoyant à l’art classique ou aux films permet de toucher l’inconscient des gens.

De façon générale, quelles sont vos références esthétiques ou littéraires ? Avez-vous consulté des choses en particulier avant votre départ ?

Il y a bien sûr Au coeur des ténèbres de Joseph Conrad que j’ai lu avant de partir, Le désert des Tartares de Dino Buzzatti ou La ligne rouge de Terrence Malick. En photographie j’avais en tête le reportage d’Éric Bouvet sur l’Afghanistan et en peinture, je pourrais citer les ciels de Turner ou Le Caravage…

Les clichés d’Édourd Élias seront présentés dans l’exposition Dans la peau d’un soldat. De la Rome antique à nos jours, qui se tiendra au musée du 11 octobre 2017 au 28 janvier 2018.

Propos recueillis par Anthony Petiteau, responsable de la collection de photographies, département iconographie