L'ÉCHO DU DÔME - FÉVRIER/MAI 2014 #29

DEUX OUVRAGES POUR APPRENDRE À TUER… GALAMMENT

En garde ! Alexandre Dumas a donné à ses mousquetaires une inoubliable réputation de bretteurs, par ailleurs non usurpée. Deux livres remarquables nous éclairent sur l’art de l’épée.

Grand Traîté de l'Art de l'Escrime, de Capo Ferro, 1610

Ces enfants-soldats étaient aussi turbulents que solidaires. Armand de Sillègue d’Athos d’Autevielle, qui inspirera le personnage d’Athos, n’a-t-il pas été ramassé le 20 décembre 1643 près du Pré aux Clercs, lieu habituel des duels et des rencontres d’honneur ? Ces escrimeurs avaient besoin de maîtres d’armes et la science subtile et mortelle de ces derniers s’est diffusée par le biais d’ouvrages dédiés à l’art de l’épée.

Une pratique martiale de précision

À l'occasion de l’exposition, le musée de l’Armée a acquis le Gran Simulacro dell’Arte e dell’Uso della Scherma, de Ridolfo Capo Ferro, publié à Sienne en 1610. Ce traité d’escrime, le plus didactique et sans doute le plus beau de la fin de la Renaissance, est remarquable par ses 42 eaux-fortes du graveur Raffaello Schiaminossi. Celles-ci montrent des combattants à l’issue de leur affrontement mortel. Pour l’auteur, l’art de l’épée est conditionné à la maîtrise de la fente, qui projette le corps et la lame de l’escrimeur vers l’adversaire en un coup ultime… et fatal. Surprise ! Les bretteurs du maître siennois se retrouveront dans l’exposition… en mouvement.

Un art mathématique

Une autre théorie s’exprime dans un ouvrage conservé au musée de l’Armée : la monumentale Académie de l’Espée, de l’anversois Girard Thibault. Publiée inachevée à Leyde, en 1628, elle est l’expression la plus aboutie de l’escrime espagnole, conçue comme une science mathématique et géométrique. Elle se traduit par l’invention d’un « cercle mystérieux » censé transcrire en angles et en vecteurs les déplacements et la gestuelle des adversaires. Dans de spectaculaires architectures utopiques, les escrimeurs effectuent une danse un peu raide, prisonniers de cercles projetés sur le sol.

Olivier Renaudeau, conservateur du département ancien, commissaire de l'exposition

Planche de l’Académie de l’espée, par Girard Thibault, 1628.