L'ÉCHO DU DÔME - FÉVRIER/MAI 2014 #29

LA FICTION DANS UN MUSÉE D’HISTOIRE

Un musée d’histoire qui s’intéresse à la fiction tant littéraire que cinématographique, n’est-ce pas paradoxal ? Si, car le musée de l’Armée doit se garder de tout travestissement des faits. Non, car son rôle est de proposer des clefs de lecture aux visiteurs dont la connaissance de l’histoire passe aussi par des oeuvres de fiction.

S’en tenir à la présentation des événements, en confrontant si nécessaire les différentes versions qui en sont données et transmises, est la première mission du musée de l’Armée. Pour autant, il ne faut pas se voiler la face, la version romancée ou édulcorée d’événements majeurs est celle qui marque les esprits et passe à la postérité en devenant un fait historique. C’est notamment le cas d’une large part du règne de Louis XIII, de sa personnalité, de celle du cardinal de Richelieu, et des mousquetaires eux-mêmes, héros de la trilogie d’Alexandre Dumas. Aussi, à la question de la place qu'il accorde aux fictions historiques, le musée de l’Armée a apporté, au fil des années, plusieurs réponses.

Réécrire l'histoire pour mieux l'éclairer

La première puise dans son histoire qui doit beaucoup aux peintres de la fin du XIXe siècle, Édouard Detaille et Alphonse de Neuville. Connus pour avoir magnifié les épisodes les plus marquants des guerres napoléoniennes, ils en ont proposé une version qui nous en dit plus sur leur époque et ses préoccupations que sur les événements qu’ils relatent. Plus récemment, en 2011, le musée de l’Armée a consacré un festival au cinéma de la Guerre Froide, montrant comment les films et les séries télévisées des années 1950, 1960 et 1970 sont à la fois un reflet du contexte géopolitique et une arme dans le conflit idéologique qui opposa les deux blocs. L’année suivante, l’exposition Algérie 1830 – 1962. Avec Jacques Ferrandez, retraçait plus d’un siècle d’histoire, de la conquête de l’Algérie à sa décolonisation en présentant des oeuvres, des objets, des documents écrits ou filmiques et en proposant des planches de la série Carnets d’Orient, consacrée à l’itinéraire d’une famille de pieds-noirs.

Décrypter le vrai du faux

Aujourd’hui, notre projet est d’aborder les mousquetaires des XVIIe et XVIIIe siècles avec le concours des meilleurs historiens, pour en révéler le visage, les missions, la contribution à l’histoire militaire de cette époque, mais aussi en partant de l’image impérissable qu’en a donnée Alexandre Dumas. Le visiteur sera donc invité à découvrir l’une et l’autre de ces deux réalités, à mieux comprendre ce que furent les « vrais » mousquetaires, et à apprécier ce que leur légende doit au romancier. Distinguer la fiction des faits historiques sera un jeu instructif plein de surprises auquel tous nos publics devraient se laisser prendre.

David Guillet, directeur adjoint