
Hommage à Romain Rolland
Le programme de ce concert est inspiré par le roman-fleuve de Romain Rolland, "Jean-Christophe", réédité en 1931.
Comme Schiller et Goethe, l’écrivain se sent citoyen du monde et il est « la voix du pacifisme européen ». Au sein de ce roman initiatique, véritable symphonie héroïque, selon son ami et traducteur Stefan Zweig, s’incarnent ses convictions. On peut certes y percevoir l’ombre de Beethoven que l’écrivain vénérait mais davantage encore celle de Strauss, l’un des compositeurs allemands les plus puissants de sa génération. Le destin du jeune héros Jean-Christophe, ici incarné par le si charismatique Lambert Wilson, est de franchir le Rhin, pour découvrir et assimiler la culture française. Contrairement à Strauss, qui ne parvint pas à dépasser les frontières musicales de l’Allemagne, Jean-Christophe s’élève par-delà l’Allemagne et la France, au-dessus même de l’Europe. Une aspiration et un idéal qui ne s’accompliront que dans la mort et la transfiguration.
Important
Accès unique pour les concerts de 20h par le 129 rue de Grenelle (Face au pont Alexandre III).
Il est nécessaire d'acheter ses billets à la billetterie sur place de 10h à 17h30 ou en ligne
Programme
- Beethoven, Coriolan, Ouverture en ut mineur, opus 62
- Debussy, Suite symphonique de Pelléas et Mélisande (version Marius Constant)
- Strauss, Mort et Transfiguration, Poème symphonique, opus 24
Distribution
- Lambert Wilson, récitant
- Orchestre symphonique de la Garde républicaine
- Bastien Stil, direction
Extraits de textes lus par Lambert Wilson
Ô jeunesse héroïque du monde ! Avec quelle joie prodigue elle verse son sang dans la terre affamée ! Quelles moissons de sacrifices fauchées sous le soleil de ce splendide été !
Vous tous, jeunes hommes de toutes les nations, qu'un commun idéal met tragiquement aux prises, jeunes frères ennemis – Slaves qui courez à l'aide de votre race, Anglais qui combattez pour I'honneur et le droit, peuple belge intrépide, qui osas tenir tête au colosse germanique et défendis contre lui les Thermopyles de I'occident, Allemands qui luttez pour défendre la pensée et la ville de Kant contre le torrent des cavaliers cosaques, et vous surtout, mes jeunes compagnons français, qui depuis des années me confiez vos rêves et qui m'avez envoyé, en partant pour le feu, vos sublimes adieux, vous en qui refleurit la lignée des héros de la Révolution – comme vous m'êtes chers, vous qui allez mourir ! […]
Comme me l'a dit I'un de vous, en m'embrassant étroitement sur le terrible seuil :
Il est beau de se battre, les mains pures et le cœur innocent, et de faire avec sa vie la justice divine.
Vous faites votre devoir. Mais d'autres, l'ont-ils fait ?
Ces guerres, je le sais, les chefs d'État qui en sont les auteurs criminels n'osent en accepter la responsabilité ; chacun s'efforce sournoisement d'en rejeter la charge sur l'adversaire. Et les peuples qui suivent, dociles, se résignent en disant qu'une puissance plus grande que les hommes a tout conduit.
On entend, une fois de plus, le refrain séculaire :
La Fatalité de la guerre, plus forte que toute volonté, le vieux refrain des troupeaux, qui font de leur faiblesse un dieu, et qui I'adorent.
Les hommes ont inventé le destin, afin de lui attribuer le désordre de I'univers, qu'ils ont pour devoir de gouverner.
Point de fatalité ! la fatalité, c'est ce que nous voulons. Et c’est aussi, plus souvent, ce que nous ne voulons pas assez. Qu'en ce moment, chacun de nous fasse son mea culpa ! Cette élite intellectuelle, ces Églises, ces partis ouvriers, n'ont pas voulu la guerre.
Soit ! Qu'ont-ils fait pour I'empêcher ?
Que font-ils pour I'atténuer ? Ils attisent I'incendie.
Chacun y porte son fagot. […]
Entre nos peuples d'occident, il n'y avait aucune raison de guerre. En dépit de ce que répète une presse envenimée par une minorité qui a son intérêt à entretenir ces haines, frères de France, frères d'Angleterre, frères d'Allemagne, nous ne nous haïssons pas. Je vous connais, je nous connais. Nos peuples ne demandent que la paix et que la liberté. […]
Maintenant, le mal est fait. Le torrent est lâché. Nous ne pouvons, à nous seuls, le faire rentrer dans son lit.
D'ailleurs, de trop grands crimes ont déjà été commis, des crimes contre le droit, des attentats à la liberté des peuples et aux trésors sacrés de la pensée. Ils doivent être réparés. Ils seront réparés. […]
Mais, au nom du ciel, que ces forfaits ne soient pas réparés par des forfaits semblables ! Point de vengeances, ni de représailles ! ce sont des mots affreux. Un grand peuple ne se venge pas ; il rétablit le droit.
Que ceux qui ont en main la cause de la justice se montrent dignes d'elle, jusqu'au bout ! C'est notre tâche, à nous, de le leur rappeler. […]
Mais nous avons une autre tâche, nous tous, artistes et écrivains, prêtres et penseurs, de toutes les patries.
Même la guerre déchaînée, c'est un crime pour l'élite d'y compromettre I’intégrité de sa pensée. Il est honteux de la voir servir les passions d'une puérile et monstrueuse politique de races qui, scientifiquement absurde (nul pays ne possédant une race vraiment pure), ne peut, comme l'a dit Renan, dans sa belle lettre à Strauss,
mener qu'à des guerres zoologiques, des guerres d'extermination, analogues à celles que les diverses espèces de rongeurs ou de carnassiers se livrent pour la vie. Ce serait la fin de ce mélange fécond, composé d'éléments nombreux et tous nécessaires qui s'appelle I'humanité.
L'humanité est une symphonie de grandes âmes collectives. Qui n'est capable de la comprendre et de I' aimer qu'en détruisant une partie de ses éléments, montre qu'il est un barbare et qu'il se fait de I'harmonie I'idée que se faisait cet autre de l'ordre à Varsovie.
Élite européenne, nous avons deux cités : notre patrie terrestre, et l'autre, la cité de Dieu. De I'une, nous sommes les hôtes ; de l'autre, les bâtisseurs.
Donnons à la première nos corps et nos cœurs fidèles. Mais rien de ce que nous aimons, famille, amis, patrie, rien n'a droit sur l'esprit. L'esprit est la lumière. Le devoir est de I'élever au-dessus des tempêtes et d'écarter les nuages qui cherchent à l'obscurcir. Le devoir est de construire, et plus large et plus haute, dominant I’injustice et les haines des nations, I’enceinte de la ville où doivent s'assembler les âmes fraternelles et libres du monde entier. […]
Je sais que de telles pensées ont peu de chance d'être écoutées, aujourd'hui.
La jeune Europe, que brûle la fièvre du combat, sourira de dédain, en montrant ses dents de jeune loup. Mais quand l'accès de fièvre sera tombé, elle se retrouvera meurtrie et moins fière, peut-être, de son héroïsme carnassier.
D'ailleurs, je ne parle pas, afin de la convaincre. Je parle pour soulager ma conscience... Et je sais qu'en même temps je soulagerai celles de milliers d'autres qui, dans tous les pays, ne peuvent ou n'osent parler.
Romain Rolland / Au-dessus de la mêlée – manifeste pacifiste /
15 septembre 1914 / Journal de Genève
La loi du monde n'est pas et ne peut pas être distincte de la loi de Dieu.
Or, la loi de Dieu, ce n'est pas la guerre, c'est la paix. Les hommes ont commencé par la lutte, comme la création par le chaos.
D'où viennent-ils ? De la guerre, cela est évident. Mais où vont-ils ? À la paix ; cela n'est pas moins évident.
Quand vous affirmez ces hautes vérités, il est tout simple que votre affirmation rencontre la négation ; il est tout simple que votre foi rencontre I’incrédulité ; il est tout simple que, dans cette heure de nos troubles et de nos déchirements, I'idée de la paix universelle surprenne et choque presque comme l'apparition de I'impossible et de I'idéal ; il est tout simple que I'on crie à I'utopie.
Et, quant à moi, humble et obscur ouvrier dans cette grande œuvre du dix-neuvième siècle, j'accepte cette résistance des esprits sans qu'elle m’étonne ni me décourage.
Est-il possible que vous ne fassiez pas détourner les têtes et fermer les yeux dans une sorte d'éblouissement, quand, au milieu des ténèbres qui pèsent encore sur nous, vous ouvrez brusquement la porte rayonnante de l'avenir ? […]
Je suis de ceux qui disent avec vous tous, nous qui sommes ici, nous disons à la France, à l'Angleterre, à la Prusse, à I'Autriche, à I'Espagne, à I'Italie, à la Russie, nous leur disons :
Un jour viendra où les armes vous tomberont des mains, à vous aussi !
Un jour viendra où la guerre paraîtra aussi absurde et sera aussi impossible entre Paris et Londres, entre Pétersbourg et Berlin, entre Vienne et Turin, qu'elle serait impossible et qu'elle paraîtrait absurde aujourd'hui entre Rouen et Amiens, entre Boston et Philadelphie.
Un jour viendra où la France, vous Russie, vous Italie, vous Angleterre, vous Allemagne, vous toutes, nations du continent, sans perdre vos qualités distinctes et votre glorieuse individualité, vous vous fondrez étroitement dans une unité supérieure, et vous constituerez la fraternité européenne, absolument comme la Normandie, la Bretagne, la Bourgogne, la Lorraine, l'Alsace, toutes nos provinces, se sont fondues dans la France.
Un jour viendra où il n'y aura plus d'autres champs de bataille que les marchés s'ouvrant au commerce et les esprits s'ouvrant aux idées.
Un jour viendra où les boulets et les bombes seront remplacés par les votes, par le suffrage universel des peuples, par le vénérable arbitrage d'un grand Sénat souverain qui sera à I'Europe ce que le Parlement est à I'Angleterre, ce que la Diète est à l'Allemagne, ce que I'Assemblée législative est à la France !
Un jour viendra où l'on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd'hui un instrument de torture, en s'étonnant que cela ait pu être !
Un jour viendra où I'on verra ces deux groupes immenses, les États-Unis d'Amérique, les États-Unis d'Europe placés en face I'un de I'autre, se tendant la main pardessus les mers, échangeant leurs produits, leur commerce, leur industrie, leurs arts, leurs génies, défrichant le globe, colonisant les déserts, améliorant la création sous le regard du Créateur, et combinant ensemble, pour en tirer le bien-être de tous, ces deux forces infinies : la fraternité des hommes et la puissance de Dieu ! […]
Si les nations sont des patries, l’humanité est une famille… !
Victor Hugo, Discours d'ouverture du Congrès de
la paix, le 21 août 1849 / Extraits
Lambert Wilson

Lambert Wilson a étudié le répertoire de la comédie musicale américaine et en 1989, il enregistre Musicals, album dédié aux grands standards du genre. En 1990, il présente un spectacle musical, Lambert Wilson Chante et il enregistre en 1996 un CD des plus belles chansons du cinéma français Démons et Merveilles. En 2004, il produit et interprète le spectacle musical Nuit Américaine.
En 1998 il a tenu le rôle de Saint Sébastien dans Le Martyre de Saint Sébastien sous la direction de Georges Prêtre à Vienne, à la Scala de Milan et au Théâtre des Champs-Élysées. En 2006, il joue dans la comédie musicale Candide de Bernstein mise en scène par Robert Carsen, lors de sa création au Châtelet puis à la Scala de Milan en 2007 et enregistrée par Arte et la BBC.
En 2010 il joue dans A Little Night Music de Stephen Sondheim et dans Singin’in the rain mis en scène par Robert Carsen. En 2016 la sortie de l’album Wilson chante Montand, spectacle co-produit par Lambert Wilson (captation France TV) fera l’objet d’une tournée en France en 2017 avant d’être présenté à Montréal et à New-York.
Lambert Wilson a aussi participé en qualité de récitant à de nombreux spectacles mêlant textes et musiques (La Sonate de Vinteuil, Proust-, les Nuits, Musset ; Les Lettres à Gala, Éluard). Il interprète régulièrement le répertoire de musique avec récitant Pierre et le Loup, L’Histoire du Soldat, Lélio, Manfred, Orphée, La Danse des Morts, Oedipus Rex, Le Roi David, The King and I sous la baguette de Seiji Ozawa, Michel Corboz, Franz WelserMost, Marek Janowski, feu Georges.Prêtre, Kurt. Masur et Mstislav Rostropovitch…
Lambert Wilson a enregistré Le Roi David sous la direction de Michel Corboz, Oedipus Rex sous la direction de Franz Welser-Most, Pierre et le Loup et Rédemptions sous la direction de Michel Plasson, Le Gendarme Incompris et Lélio sous la direction de Charles Dutoit.
Lieutenant-colonel Bastien Stil, chef d’orchestre

Véritable artiste moderne et protéiforme, Bastien Stil se distingue comme chef d’orchestre par son interprétation précise et engagée des répertoires symphoniques et lyriques.
Issu en 2001, du Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris (CNSMDP), c’est en 2010, après une riche carrière d’instrumentiste, qu’il décide de se consacrer pleinement à la direction d’orchestre et part se perfectionner avec Neil Thomson (Royal College of Music) et John Farrer (USA). Il se forme également au répertoire lyrique au sein de l’Opéra de Rouen-Normandie, en tant qu’assistant d’Antony Hermus et est lauréat, en 2018, du 1er Concours international de direction de Bucarest.
L’Orchestre Philharmonique de Rotterdam, l’Orchestre de la Suisse Romande ou l’Orchestre National des Pays de la Loire l’ont récemment invité, et il collabore régulièrement avec les plus prestigieuses formations (Orchestre Philharmonique de Radio France, Ensemble Intercontemporain, Orquestra Sinfonica do Porto Casa da Musica, les orchestres nationaux français de Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, l’Orchestre Philharmonique de Monte Carlo, le BBC Concert Orchestra). Bastien Stil aborde ainsi tout autant un répertoire allant des classiques à l’avant-garde actuelle, que les projets à la croisée des genres musicaux ou encore les musiques de film en version concert ou à l’image.
Il a également dirigé la création et l’enregistrement d’œuvres de Raphael Cendo, Bastien David, Olga Neuwirth, Sasha Blondeau, François Meïmoun, Vasco Mendoça, Pedro Amaral, David Hudry… et collabore avec des artistes tels que Wayne Shorter, Avishai Cohen, Stacey Kent, Lizz Wright, Magma, Jaz Coleman, Marcus Roberts, Bernard Lavilliers, Arthur H ou Philippe Katerine.
Son activité discographique est tout aussi représentative, à la tête de l’Orchestre National d’Ukraine, avec l’Ensemble Intercontemporain, l’Opéra de Rouen-Normandie ou l’Orchestre de la Radio de Prague.
En 2024, il est nommé directeur artistique et musical de l’Orchestre de la Garde républicaine.
Orchestre de la Garde républicaine
Créé en 1848, l’Orchestre de la Garde républicaine compte cent-vingt musiciens, principalement issus des conservatoires nationaux supérieurs de musique. Il est dirigé par le lieutenant-colonel Bastien Stil et son adjoint, le colonel Sébastien Billard. Il se décline en trois formations, l’orchestre d’harmonie, l’orchestre symphonique et l’orchestre à cordes et également, en divers ensembles de musique de chambre.
Les musiciens interviennent lors de cérémonies officielles et dîners d’État. En parallèle, l’Orchestre se produit sur tout le territoire français et à l’international. Il est ainsi à l’affiche de saisons musicales (Invalides, Théâtre des Champs-Élysées, Opéra National de Bordeaux…), de festivals (Berlioz, Saintes, Rocamadour…) et de concours internationaux (Long-Thibaud, Maurice André, Adolphe Sax…).
L’Orchestre accueille des chefs invités tels que Lucie Leguay, Hervé Niquet, Kanako Abe…, accompagne des solistes de renom, Ibrahim Maalouf, Svetlin Roussev, Félicien Brut... et collabore avec des compositeurs contemporains, Karol Beffa, Thierry Escaich, Alexandros Markeas…
Commencée il y a plus d’un siècle, sa discographie continue de s’étoffer avec des enregistrements comme l’intégrale des œuvres pour violon de Henri Tomasi, et la musique de documentaires d’Arte, France 3 et Public Sénat. Son dernier enregistrement, pour la bande originale du film de Claude Lelouch, écrite par Ibrahim Maalouf, Finalement !, est sorti en août 2024.
Membre de l’Association Française des Orchestres (AFO), l’Orchestre se développe au sein de projets variés et ambitieux.
Au cours de la Saison 2024-2025, vous pourrez l’entendre à Paris au Théâtre des Champs-Élysées, en la cathédrale Saint-Louis des Invalides, à la Seine Musicale, au Cirque d’Hiver, au Collège des Bernardins… L’Orchestre accompagnera également les finalistes du concours Long-Thibaud, qui mettra le piano à l’honneur cette année à l’Opéra Comique. En région, l’Orchestre jouera à Orléans, Nancy, Reims, Lille, Pau, Bordeaux…
