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La guerre de 1870-71 vue par l'illustrateur Hansi
Le « dessinateur – publiciste » Jean-Jacques Waltz, plus connu sous le nom de Hansi (pseudonyme issu de Jean-Jacques, devenu Hans-Jacob puis Hansi), a publié ses premiers albums dans le contexte, particulièrement douloureux pour lui, du souvenir de la guerre franco-allemande de 1870-1871, de la défaite et de l’Annexion de l’Alsace par les Allemands. « Nous étions les vaincus : on nous le fit bien voir ». Pour Hansi, le sentiment de la « Revanche » passait par l’école et l’éducation. C’est tout le propos de l’album L’histoire d’Alsace racontée aux petits enfants, par l’oncle Hansi, publié en collaboration avec Victor Huen en 1912.
Né le 23 février 1873 à Colmar, Hansi garde le souvenir de l’enseignement partisan que dispensait son Professor (ainsi se plaît-il à le nommer) allemand. L’Alsace récemment annexée voit le nouvel occupant tenter d’imposer non seulement sa langue mais aussi son histoire, où l’apport de la France est minoré, et la victoire allemande de 1870, au contraire, mise en avant. Dans son avant-propos à L’histoire d’Alsace, il relate : « je m’étais promis de me venger plus tard et d’écrire, quand je serai un homme, le livre que nous aurions tous aimé avoir, l’histoire de l’Alsace pour les petits enfants ». Hansi entend donc rétablir l’équilibre, et à la propagande originelle opposer une contre-propagande où les barbares « Germains » (« Prussiens », « Badiens » ou « Bavarois »…) s’opposeraient aux Alsaciens ou Français civilisés et libres. Une « haine instinctive » anime les Alsaciens, haine « telle que même les atrocités de la dernière guerre [de 1870-1871] ne suffisent pas pour l’expliquer » écrit-il.
Remontant le temps avec une foule d’anachronismes volontaires qui tous ramènent en filigrane à l’époque de l’Annexion, Hansi relit l’histoire. Si Napoléon Ier, «Napala, comme disent sans façon nos vieux soldats, garde encore dans nos pays une popularité surprenante » (sur la couverture de l’ouvrage un des enfants tient un Napoléon à cheval miniature, monté sur des roulettes), Napoléon III « ne fut jamais aimé ». Les Alsaciens, dont Hansi présente les multiples actes d’héroïsme durant l’année terrible, se voient contraints à l’issue du conflit de quitter leur pays ou bien de se soumettre à « l’envahisseur, bruyant et plein de morgue, cherchant sous prétexte de germanisation à accaparer toutes les ressources du pays, à imposer ses mœurs, sa langue et tout ce qui constitue sa ‛Kultur’. » Hansi n’a pas de mots assez durs pour railler les prétentions artistiques des occupants, « les naïves et enfantines restaurations qu’ils font subir aux monuments anciens ! », et les touristes aux « lunettes d’or germaniques » qui fleurissent à leur suite.
La parution de L’histoire d’Alsace vaut à Hansi une condamnation devant les tribunaux allemands, le 9 mai 1913. Ceux-ci goûtent peu l’humour un peu vif dont est parsemé le livre, et condamnent Hansi à une forte amende lors du « procès des faméliques » [4]. Le livre, malgré le procès (ou bien conforté par lui) eut beaucoup de succès. En 1914, Hansi est de nouveau condamné, cette fois à de la prison ferme [5]. Il gagne la France où il s’engage, à 41 ans, dans l’armée ; il y sera interprète. En 1918, il publie Le paradis tricolore. Le paradis dure peu : la guerre s’annonce et en 1939 il doit à nouveau s’exiler, à 66 ans. Il ne rentre à Colmar qu’en 1946. C’est là qu’il meurt le 10 juin 1951, au terme d’une vie tout entière marquée par un antagonisme qui a fait s’affronter par trois fois la France et l’Allemagne.