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Une épée attribuée à Louis XVI
Et si cette épée appartenait au Roi-Soleil ? Enquête...
Le 5 mai 1789 s’ouvrent les États généraux, dans une salle provisoire située derrière l’Hôtel des Menus Plaisirs. Cette assemblée extraordinaire, destinée à donner au royaume les moyens de remédier à la crise qui le frappe, débute la veille par la procession de ses députés entre l’église Notre-Dame de Versailles et l’église Saint-Louis. Le roi préside à ces cérémonies dans une tenue des plus riches : il est vêtu d’un habit d’or rehaussé de boucles de diamant, orné des insignes des ordres du Saint-Esprit et de la Toison d’Or, avec au chapeau une ganse de diamants au centre de laquelle trône le Régent, célèbre diamant de 140 carats.
Le souverain aurait également porté à cette occasion une épée garnie de diamants. Sa fabrication a été proposée en 1784 par Thierry de Ville d’Avray (1732-1792), Intendant Général du Garde-Meubles de la Couronne. Une partie des pierres utilisées appartenait à la collection royale mais, devant la richesse du projet, un certain nombre de gemmes complémentaires sont achetées en Hollande et il faut attendre 1788 pour qu’elles soient rassemblées. La conception de l’ensemble est confiée à l’orfèvre Pierre Alexandre Bretet et sa réalisation à Georges Frédéric Bapst (1756-1826).
La monture de l’arme est entièrement recouverte de pierres et l’intérieur du plateau de garde est ciselé du monogramme royal frappé d’un seize romain et souligné de palmes. Entreposée au Garde-Meuble, elle disparaît lors du vol des joyaux de la couronne en 1792. Les pierres furent retrouvées l’année suivante mais l’épée proprement dite était réputée perdue. On la connait néanmoins par un ensemble de dessins et gravures dont l’une est publiée en 1889 par Germain Bapst (1853-1921), un descendant de l’orfèvre qui la représente dans un état daté du 30 novembre 1789. Ce document semble révéler que l’épée attribuée à Louis XVI conservée au musée de l’Armée (inv. 995 I) est celle qui fut volée durant la Révolution.
Il s’agit en fait une lame démunie de garde, accompagnée d’un fourreau qui correspond en tous points à la représentation qui en est faite sur la gravure de Bapst. En bois recouvert de galuchat blanc, il est muni d’une chape en fer doré, ornée des armes de France, émaillées et soulignées de pierres blanches (des diamants de Hollande ?).
Le bracelet porte une rosace de pierreries et la bouterolle est ciselée de trois fleurs de lys dorées ponctuées de petits brillants. La lame est en acier, entièrement bleuie et gravée d’un semis de fleurs de lys dorées, un type de décor correspondant à d’autres armes provenant de la cour de France (MA, Inv. 6710). Celle de Louis XVI est signée au talon de la lame par Simon Devisme. Elle porte en outre sur la soie, la tige qui recevait à l’origine la poignée, le M symbolique du signe astrologique du scorpion, une marque de fabricant non identifiée.
Cette hypothèse d’identification est le fruit des recherches menées pour préparer l’édition du catalogue des collections des XVIIe et XVIIIe siècles du département moderne. Cet ouvrage présentera l’évolution de l’armée française du règne de Louis XIV à la Révolution en s’appuyant sur une sélection des objets du musée de l’Armée. Il sera publié au mois de septembre prochain.